Tu as lutté avec Dieu

Genèse 32.24-32

« Tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur. » En lisant cette phrase attentivement, n’y a-t-il rien qui vous choque ? Comment, Dieu ne serait-il pas tout-puissant ? Il peut être vaincu ? Cet épisode nous ébranle dans nos certitudes et comporte une signification cachée à la première lecture. Essayons d’y voir un peu plus clair.

Jacob est le fils d’Isaac et le frère d’Esaü. C’est un être rusé, un « filou » : il échangea le droit d’aînesse de son frère contre un plat de lentilles (Genèse 25.27-34) et il vola, sur les conseils de sa mère Rebecca, la bénédiction d’Isaac devenu aveugle (Genèse 27.1-39). Ainsi se réalisa la prophétie de Dieu le concernant : Deux nations sont dans ton ventre [celui de Rebecca], et deux peuples se sépareront au sortir de tes entrailles…et le plus grand sera assujetti au plus petit (Genèse 25.23).

La nuit pendant laquelle Jacob lutte avec cet inconnu précède une rencontre importante, vitale même : celle des retrouvailles avec son frère Esaü. Jacob est en droit de craindre le pire : comment son frère va-t-il l’accueillir, va-t-il vouloir se venger ? Ou pire, le tuer ? C’est dans ce trouble et cette crainte que Jacob s’enfonce dans la nuit.

La lutte avec Dieu, plutôt que contre Dieu, a pour résultat que Jacob en sort vainqueur : il a vaincu, non pas Dieu lui-même, mais celui qu’il était auparavant ; il a définitivement rompu avec son passé d’homme « trompé » par sa mère puis par son oncle Laban (Genèse 30.35-36). Il décroche de haute lutte son individualité propre, son « je » ; il n’est plus le fils de ou le frère de, il est un homme nouveau. Il commence une vie nouvelle sous un autre nom : Israël et l’on sait que sa descendance sera le peuple élu, choisi par Dieu.

S’agit-il d’un rêve ? Y a-t-il vraiment eu combat ? Cela importe peu. Ce qui est important, c’est le sens que nous donnons à ce récit. Nous y voyons surtout que la toute-puissance de Dieu ne consiste pas à écraser, mais à se mettre au niveau de son adversaire, à avoir le courage de lutter d’égal à égal, à laisser la chance à l’autre de gagner. Cette preuve de la puissance divine, nous la retrouvons dans le sacrifice de Jésus et dans sa résurrection, victoire de la lutte contre la mort. Cette victoire fait de chacun de nous des êtres à part entière, ne dépendant plus que de Dieu lui-même, ayant retrouvé notre dignité d’enfants de Dieu, de frères et de sœurs du Christ, ayant vaincu notre passé.

Aujourd’hui encore, avec Dieu comme allié et non comme adversaire, nous pouvons lutter contre notre passé, contre tout ce qui fait obstacle à une vraie relation empreinte d’amour. Nous sortirons alors vainqueurs de nos luttes et notre vie sera à jamais changée, tout comme celle de Jacob, devenu Israël.

Nous aussi, nous serons porteurs de la promesse de Dieu pour son peuple et ses enfants.

Source de l'image : photo personnelle (c) mars 2006, Martigny (Valais)

Pour poursuivre la réflexion :

Sainte colère, Jacob-Job-Jésus
Lytta Basset
Ed. Labor et Fides et Bayard, 2002
330 p.

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