A la déchetterie


« Nos églises se vident ! » Combien de fois ai-je entendu cette remarque. Et elle a une part certaine de vérité. Oui, l’assemblée au culte du dimanche a fortement diminué et continue de s’éroder. Je ne le conteste pas, je le constate. Mais je pose la question : L’Eglise, n’est-ce que le dimanche matin à l’heure du culte ? Et les autres jours de la semaine, l’Eglise aurait-elle soudain disparu ? Non. Bien sûr! Evidemment, il y a les événements qui jalonnent toute vie humaine : naissance, enfance, adolescence, mariage, décès et l’Eglise est là pour accompagner, même si les statistiques montrent, elles aussi, un fléchissement évident.
C’est alors que me reviennent ces mots qui terminent l’Evangile de Matthieu, paroles du Christ à ses disciples au moment de son ascension : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » Tous les jours… Oui, vous avez bien lu. Pas juste le dimanche.
Si nos églises se vident, c’est à l’Eglise d’aller rejoindre les gens là où ils sont, là où ils se retrouvent. Il fut un temps, pas si lointain, où le bistrot avait ce rôle de lieu-rassembleur. Aujourd’hui, j’en vois un autre sans doute plus insolite : la déchetterie. Là, nous y allons plus ou moins régulièrement. Par obligation, j’en conviens, mais nous y allons. Et c’est là que l’Eglise peut être visible et accueillante, sans tentative de prosélytisme. Il ne s’agit pas de distribuer des bibles qui finiraient certainement dans les containers sitôt distribuées.
Etre là, à la déchetterie ou ailleurs, d’abord pour être avec, pour accueillir, peut-être avec un petit verre, partager juste quelques instants et, pourquoi pas, entamer un brin de conversation, entre vieux papiers et bouteilles vides.
Oui, je rêve. Je rêve d’une Eglise proche des gens, de tous les gens sans exception. Une Eglise qui prend le risque et l’initiative de la rencontre et de l’accueil ; qui est à la fois là pour les fidèles du culte dominical et les autres qui n’en ont que faire. Une Eglise qui dirait à chacun quel qu’il soit : vivons la joie de la rencontre.

Paru dans l'Impartial du 21 juillet 2016.

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Etre croyant comme un caméléon !

Evangile selon Matthieu, ch. 5, v. 1-10

Ils sont heureux (aujourd'hui), parce qu'ils verront (demain)
 
J’aimerais commencer par tordre le cou à une idée fort répandue, aujourd’hui : le bonheur ne signifie pas l’absence de difficultés. Non, le bonheur ne signifie pas l’absence de difficultés. Les revues de psychologies de toutes sortes nous entraînent dans une course effrénée au bonheur… disons béat, naïf. Le bonheur, ce n’est pas de vivre dans un monde idyllique où il n’y a plus de crises, de souffrance, de difficultés.
Le bonheur, c’est trouver, là où nous sommes, ici et maintenant, des raisons, une raison au moins, de ne pas tomber dans la résignation ambiante.
Et c’est bien à cela que Jésus invite ses disciples d’abord et les foules qui sont venus l’écouter. Et nous qui lisons, qui écoutons.
Jésus est au début de son ministère. Il a choisi ses premiers disciples et il leur donne ici son premier enseignement sous la forme d’un long discours, connu sous le nom du « Sermon sur la montagne ». Cet enseignement est introduit par un mot, un seul : heureux ! C’est un appel au bonheur.

A la suite du Christ, être témoins

Evangile de Matthieu, ch. 4, v. 12-23

Venez à ma suite
Capharnaüm : carrefour, croisement sur la route des voyageurs. Lieu de rencontre des cultures, des croyances et des histoires d’hommes et de femmes. C’est là que Jésus, le Nazaréen, vient s’établir, abandonnant son village, sa famille, ses amis, tout ce qui pouvait le rassurer. Il vient à la rencontre des gens, là où ils sont, n’attendant pas qu’eux aillent le rejoindre.
A Capharnaüm, Jésus court le risque de l’inconnu, mais la bonne nouvelle qu’il annonce est à ce prix : le Royaume des cieux est proche et il faut le dire. En sa personne, Jésus manifeste la présence de Dieu dans le monde. Il est, lui, le Messie annoncé et attendu. Il est le Fils de Dieu, la lumière du monde. Il est un appel à changer de regard sur le monde…  et sur l’avenir aussi sans doute : à trop fixer l’horizon ou le ciel pour tenter d’y découvrir les signes de la venue du Royaume, on risque de manquer la proximité de ce Royaume dans le monde présent en Jésus-Christ.
C’est aussi à Capharnaüm que Jésus transformera des hommes, des pêcheurs : Simon, André, Jacques et Jean. Jésus prend le risque de les déranger, là où ils sont. Il les appelle : « Venez à ma suite » et ils y vont ! De pêcheurs de poisson par profession, ils deviennent pêcheurs d’hommes par vocation, répondant à l’appel du Christ, abandonnant à leur tour tout ce qui fait leur sécurité : travail, entourage, famille pour suivre un inconnu qui les a appelés.
Capharnaüm, aujourd’hui, nous invite à être à notre tour des témoins à la suite du Christ. A rejoindre les gens là où ils sont et à courir le risque de les déranger dans leur existence, en leur annonçant la bonne nouvelle de Dieu. Cela peut passer par des paroles ou des gestes, tout comme le Christ qui annonçait le Royaume des cieux et guérissait des gens de leurs maladies et infirmités.

L’appel du Christ nous concerne, nous aussi, nous toujours. Il veut nous déranger dans nos assurances et nos sécurités confortables. Jésus le Christ veut nous entrainer à sa suite et faire de nous aussi des pêcheurs d’hommes dans le monde, jetant au loin les filets de l’Evangile.
Photo personnelle(c)janvier 2014.

Entraînés dans la course !


L’Evangile de Jean fait mention à plusieurs reprises du « disciple que Jésus aimait ». Qui est donc ce personnage un peu énigmatique, resté anonyme ?
Certains commentateurs y ont discerné la figure de Jean, fils de Zébédée, le frère de Jacques. D’autres ont vu en lui l’auteur même du 4e Evangile. D’autres enfin ont plutôt vu dans ce personnage un modèle, une personnification du disciple parfait.

Conclusion : le mystère demeure.
Et bien moi, ce matin, j’ai envie de tenter une nouvelle représentation, une de plus : Et si ce disciple que Jésus aimait, c’était le croyant, donc en fin de compte, nous-mêmes. Essayons alors de relire ce texte en nous mettant dans la peau du disciple que Jésus aimait.

Aux premières heures après le sabbat, quand il faisait encore nuit, voici que Pierre et moi sommes réveillés en sursaut par notre sœur Marie Madeleine : elle est tout affolée ; on comprend à peine ce qu’elle nous dit, tant elle est essoufflée : la pierre qui fermait le tombeau aurait été déplacée ; on aurait enlevé le corps de Jésus, celui qui avait été crucifié.

Qui ça, on ? Et pourquoi ? Trop de questions…


Il fallait en avoir le cœur net. Nous nous habillons en hâte et courons tous deux au tombeau. D’abord, nous sommes côte-à-côte, puis, comme dans une compétition, nous puisons dans nos forces pour courir plus vite… Encore plus vite, toujours plus vite… Pas de temps à perdre ! Chaque seconde compte ! Nous voulons être chacun le premier.

Dans notre course, Pierre prend un peu de retard, s’essouffle, se laisse distancer… Il n’a pas l’habitude de courir si longtemps.

Mais ma course à moi s’arrête net ! Comme devant un mur, ou plutôt un gouffre… Un pas de plus et je risque de tomber… La pierre du tombeau a été roulée : tout est comme Marie l’a décrit. J’ose à peine m’appuyer au bord de l’entrée. Dans la pénombre, je distingue les bandelettes, le linge…

Les questions ne cessent de se bousculer dans ma tête, je ne sais trop que penser… je ne peux pas réfléchir, tout bouillonne en moi ! Je m’appuie un peu plus au bord de l’ouverture, sans risquer un pas de plus ; je me penche, mais je n’ose pas entrer.

Pierre arrive, me bouscule, entre dans le tombeau. Lui aussi, il est étonné, lui non plus ne comprend pas… Il cherche une explication.

Tout a l’air si bien rangé ; pas de déchirures, rien qui laisse penser à une quelconque lutte.

C’est comme si Jésus s’était réveillé, s’était défait de ses bandelettes, les avait soigneusement rangées, ainsi que son linge et était sorti… Mais c’est impossible !

Enfin, j’ose, je pénètre à mon tour dans le tombeau et  je vois ce qu’il y a à voir : les bandelettes, le linge, mais pas de corps. Rien ! Jésus n’est plus là. Que s’est-il passé ?

Alors, peu à peu, comme une silhouette dans le brouillard, une idée se dessine, prend forme en moi : Si Jésus n’est plus au tombeau, c’est qu’il n’est pas mort… Et donc, il est vivant… Jésus, le Maître, il vit… Est-ce possible ?

Le doute peu à peu laisse place à cette idée qui devient une certitude : il vit !

Pierre ne dit rien. Il ne peut détacher son regard des bandelettes et du linge. Lui, qui d’habitude, est si prompt à parler, à réagir… Ici, il est comme mort, pétrifié par ce qu’il voit. Il ne comprend pas ! Il ne peut pas comprendre…

Alors, je m’approche doucement de lui, je lui effleure l’épaule et lui dit dans le creux de l’oreille : « Il vit ! ». Entends-tu ? Il vit ! Comprends-tu ? Il vit !

Ces paroles ont pour effet de le réveiller. Il vit ! Pierre se relève, sort à reculons du tombeau. Il vit ! Comprends-tu ? Il n’est pas ici, donc il vit !

Nous avons refait le chemin jusque chez nous, en marchant cette fois… Nous avions encore de la peine à comprendre ce qui nous avait été donné de voir… Mais cette certitude se gravait de plus en plus dans nos esprits : Il vit… ! Il est vivant ! Il vit.

Alléluia !

Les personnes sont des cadeaux

Méditation à l'occasion de fêtes de Noël dans des EMS.


Un jour, Elise, une charmante fillette aux cheveux blonds, arrangés en couettes, dit à ses copines dans la cour de l’école :
-       Et ben, mon p’tit frère, c’est pas un cadeau ! Il fait que des bêtises. Bon d’accord, il a que deux ans, mais quand même. C’est pas un cadeau !

Les copines d’Elise se sont mises à pouffer de rire.
Et la cloche a sonné. Et les enfants sont retournés en classe.

En entendant cela, je me suis dit : Et si les personnes que nous rencontrons étaient des cadeaux.

Des cadeaux de la vie, de la providence, du hasard ou… de Dieu.

Et cette idée n’a cessé de trotter dans ma tête. Elle revenait sans cesse : les personnes sont des cadeaux.

Et oui, attendez que je vous explique.

Les cadeaux, il y en a de toutes sortes, de toutes les formes. Comme les gens en fait. Et parfois l’emballage en dit long. Parfois, il nous surprend. Parfois ce « papier cadeau » peut paraître bien ordinaire. Ou bien le paquet a été malmené, cabossé par la poste. Mais ce qui est sûr, c’est que l’important du cadeau, c’est ce qu’il y a à l’intérieur. Comme les gens !

On a vite fait de s’arrêter à une première impression. On a vite fait de dire : Ah, ben ce monsieur, cette dame, c’est pas un cadeau ! Mais si, c’est un cadeau ! Il faut juste déballer un peu, pour trouver ce qui se cache tout au fond de cette personne. Le cadeau, c’est toute la valeur que porte chacun. Mais oui, chacun est un cadeau pour les autres et pour soi. Difficile à croire ? Je vous explique.

Un cadeau pour les autres : offrir deux oreilles pour écouter les joies et les peines. Les rires et les pleurs. Poser une main pour consoler, pour encourager. Echanger un regard complice pour dire toute son amitié. Et surtout aimer avec tout son cœur celui ou celle que la vie nous a offert  et les autres qui sont cadeaux ! Aimer aussi la vie, même si cette vie ne correspond pas toujours à l’idée qu’on s’en faisait.

Un cadeau pour soi : faire preuve de bienveillance et de reconnaissance pour tout ce qu’on est, pour tout ce que la vie nous a appris. Risquer de regarder ses nombreuses qualités plutôt que ses quelques défauts. Apprécier le cadeau d’être qui on est !

Les personnes sont des cadeaux.

Jour après jour, tout au long de cette année, nous avons pu, ici, découvrir et apprécier les cadeaux que vous êtes tous.
Tout d’abord, vous les membres de tout le personnel. Par votre disponibilité, votre écoute, vos soins et votre attention, vous avez offert cette part d’humanité à chacunE de nous.

Et vous aussi, Mesdames et Messieurs, les résidants, vous êtes des cadeaux. Par votre accueil, votre confiance et votre sincérité, par tout ce que vous nous avez partagé, vous nous avez permis de vivre notre humanité.

Et enfin, à vous, familles et amis, réunis aujourd’hui, vous êtes les cadeaux de chacunE par votre présence et par tout ce que vous donnez à vos proches et aussi tout ce que vous recevez d’eux.

Les personnes sont des cadeaux. Et aussi celles qui nous ont quittés. Elles nous ont offert des trésors qui resteront gravées dans notre cœur à tous.

Les personnes sont des cadeaux Et à Noël, c’est encore plus vrai. A Noël, Dieu nous fait le cadeau de son Fils : un nouveau-né couché dans la paille. L’emballage est bien ordinaire, je vous l’accorde, et pourtant il est cadeau pour ses parents, les bergers, les mages et pour toute l’humanité.
Le monde accueille le cadeau de Dieu. Comme le cadeau de la vie. Toute naissance n’est-elle pas le cadeau de la vie ?

Que toute rencontre soit pour nous tous l’occasion de trouver en chaque personne un cadeau avec qui vivre, partager et aimer.
Afin que nous disions désormais : « Ah, ben ce monsieur, cette dame, c’est un cadeau pour moi ! »

MERCI.