Cette chapelle, au cœur de ce village, un peu sur la hauteur, n’est plus guère utilisée : quelques enterrements dans l’année et les cloches qui rappellent jour et nuit que le temps s’enfuit. Pour les autres célébrations, un petit bus fait les navettes jusqu’à la ville voisine. Les jeunes ont un peu vite oublié que c’est là que leurs parents se sont mariés, qu’ils ont été baptisés, qu’ils ont fait leur première communion et qu’ils ont dit adieu à leur arrière-grand-père.
Aujourd’hui, les jeunes préfèrent la ville. Alors, la chapelle… vous pensez !
Le Conseil municipal a eu une idée, une de ces idées qui changent tout un village, une idée grandiose qu’on ne peut refuser : remplacer cette vieille église inutile par un parking. Cela va attirer les visiteurs, redonner un nouvel essor au tourisme, faire grimper le chiffre d’affaires des quelques courageux commerçants qui restent là. Mais la loi exige que la population accepte le crédit et la démolition. Tous les partis politiques sont unanimes : ils soutiennent ce projet sans aucune objection.
Alors, on colle des affiches, on informe les villageois qu’une soirée sera organisée pour présenter les plans, la maquette et répondre à toutes les questions. D’ailleurs, cette église, qui la remarque encore ? La victoire est quasi certaine !
Le soir venu, la salle des fêtes est pleine à craquer : tout le monde est présent. Les initiateurs mettent en lumière les avantages du parking, projections à l’appui, ils font rêver : les comptes vont enfin quitter les chiffres rouges. L’avenir ne pourra être que radieux ! A la fin, aucune objection ne vient ternir l’enthousiasme général. Pari gagné ! Un peu trop facilement, non ?
Soudain, une petite dame, au fond de la salle, se lève. Son visage, marqué par les sillons du temps, est caché derrière une voilette d’une autre époque. Sa voix détonne avec sa petitesse, elle est forte et empreinte d’une volonté certaine :
- En tout cas, moi, je veux être enterré dans notre chapelle et pas ailleurs. Il est hors de question qu’on m’enterre dans un parking ! Ah ça, jamais !
Et puis, comme en écho, une autre voix se fait entendre :
- Moi non plus ! C’est là que je me suis mariée, c’est là que je mourrai !
Et une autre, puis encore une autre et beaucoup d’autres…
Les politiciens ont compris : ils ne peuvent plus rien argumenter, d’ailleurs, ils n’essaient même pas.
Le projet a été remisé au fond d’un tiroir, en attendant des jours meilleurs. L’Eglise a dû chercher ailleurs des moyens d’économies.
Alors quand vous passerez dans ce village, qui peut être n’importe lequel, et que vous remarquerez une petite chapelle qui a l’air abandonnée, dites-vous qu’elle aurait pu laisser la place à un parking.
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